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Société

Rendez-vous avec le destin

« Dernièrement j’ai obtenu un super poste. Trois jours après on m’a proposé mieux. Il était trop tard. Allez tant pis, c’est le destin! »

Le destin, cette instance si invraisemblable et qui pourtant soutiens tant de croyances et de déterminations. Ce mot que l’on lâche aussi vite qu’une erreur est arrivée et sur lequel il est parfois bon de méditer. Souvent rattaché aux circonstances du passé, le destin est le premier incriminé lors d’une déception, comme une espèce de fatalité pour le futur. Si certains se laissent convaincre par cette idée fragile pour soulager un poids qui ne leur est supportable, d’autres pensent encore pouvoir renverser la situation. Faire jouer la force de leurs décisions. Mais alors, est-ce nos choix qui dirigent notre destin ou bien notre destin qui dirigent nos choix ? Peut-on croire en la notion de hasard ?

En laissant son avenir en proie aux événements qui défilent, on échappe alors à la difficulté de choisir. Mais là est déjà un parti-pris. Les gens conditionnent ainsi perpétuellement leur existence sans s’en rendre compte. Arthur Schopenhauer disait, « Le destin mêle les cartes et nous jouons ». Mais la vie n’est pas une partie de poker. C’est plus que ça…

Du latin « destinare », soit fixer, attacher, le destin laisse finalement peu de place à l’imprévu. Il s’agit concrètement de voir la différence entre ce qu’on ne peut changer que l’on doit accepter, et ce qu’il est possible de faire évoluer. Et quand bien même on croit que tout est établi, il faut trouver la force de se remettre en question. Aujourd’hui, déterminer son avenir par trop d’objectifs devient une obsession, une pression sociale insoutenable. Chacun s’astreint de missions en établissant des listes interminables, compare son schéma de vie pour montrer qu’il est imbattable… et panique au moindre faux pas ! Un carcan propice aux phénomènes de crise.

A trop vouloir contrôler son destin, le codage sociétal nous mène à des bouleversements moraux. On a longtemps eu la crise de la quarantaine…dernièrement, c’est la crise de la trentaine qui fait fureur -A quand la crise de la dizaine?-. Comme une mode que l’on suit à nouveau. En moins fun tout de même ! Après la guerre engagée contre la position d’obligation par les générations passées, nous sommes désormais dans une vague d’options où tous les choix s’offrent à nous. Teintée d’angoisses et de désenchantements, l’échéance de la trentaine reste en proie au temps qui passe. Une situation délicate, davantage tirée par le pragmatisme que par les envies. Car avoir le choix, c’est aussi risquer de se planter. Par l’angoisse de tomber dans une situation trop figée sous prétexte d’être à la hauteur, chacun se réveille pour contrer les regrets et s’inscrire dans le crédo du maintenant ou jamais. Forcément, si arrivé à la moitié du chemin, on se croit déjà au bout, comment arriver à se projeter sur toute une vie sans en toucher les limites ?

Probablement en arrivant à lâcher prise. Car la vie c’est ça, une jolie balade dans laquelle il faut parfois se laisser guider. Fixer quelques points de repère, une destination, croire en sa force décisionnaire, puis essayer de laisser mûrir ses envies pour découvrir… Etre fin prêt à accueillir chaque opportunité que pourrait nous offrir le destin.

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Société

Thigh gap: expression d’une société codifiée ?

A chaque période sa nouvelle mode. Depuis quelques mois, la France a vu arriver tout droit des Etats-Unis la tendance du Thigh Gap, cette obsession des adolescentes à obtenir un écart entre les cuisses, jambes fermées. Considéré comme un nouveau critère de beauté, dans la lignée des clavicules apparentes et des troubles alimentaires liés à l’anorexie, ce phénomène a connu un réel buzz médiatique suite à sa diffusion colossale sur la toile. Ce trouble de l’apparence existait pourtant déjà auparavant à travers diverses formes. Alors pourquoi a-t-il fait son apparition cette année ? Est-ce un phénomène de mode anecdotique ou un véritable danger lié à l’anorexie ?

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Gloire à la maladie

Au sein d’une société où l’on ne cesse de se référer à des critères de beauté relatifs à la minceur, l’adolescente d’aujourd’hui se trouve indéniablement influencée par les icônes du système. Plus que l’idéalisation de la minceur, ce qui triomphe actuellement est le modèle de la femme dénuée de féminité. Et si en ce sens, le Thigh Gap s’apparente au système de l’anorexie, il s’en distingue pourtant sur bien des points.

Ce qui est inquiétant ici, c’est justement qu’il serai une forme de glorification de cette maladie, pour le moins aliénante. Selon le psychiatre-psychanalyste Alain Meunier, spécialisé dans l’anorexie, l’éventualité qu’un tel phénomène puisse mener à la maladie est catégoriquement éloignée en vue des origines plus profondes de celle-ci. L’anorexie mentale traduit littéralement le besoin de contrôle d’une adolescente sur son corps suite à un événement difficile survenu dans sa vie, engendrant une anesthésie de sa souffrance par le jeûne. A l’inverse, pour le psychiatre, le Thigh gap serai davantage considéré comme une forme d’expression de l’adolescence confrontant les jeunes filles au changement de leurs corps et à la quête de leur identité. Il s’apparente aux rituels de vérifications liés à l’anorexie, comme le sont le contrôle de la taille des poignets ou encore des poignées d’amour.

Ce besoin de maîtrise du corps de l’adolescente serai également lié à la dysmorphophobie, nous explique Fazia Khanifi, diététicienne-nutritionniste d’anorexiques. Cette peur d’être laid illustre accessoirement la volonté des jeunes filles à avoir une taille filiforme mais témoigne surtout d’un refus de grandir. En obtenant un Thigh Gap le plus marqué possible, elles gomment inconsciemment leur sexe, soit leur féminité, si difficile à assumer. Ce principe de désexualisation correspond complètement au paradoxe de l’adolescence, période complexe où l’on rêve à la fois de s’émanciper tout en redoutant d’entrer dans l’âge adulte, emplis d’incertitudes. Ainsi, les adolescentes adoptent un système de manifestation conscient et externe lié à l’expression esthétique de leur corps alors que les anorexiques, elles, exposent un mal-être intérieur sans se rendre compte de leur maigreur, souligne le psychiatre.

Un mimétisme rassurant

Si ce contrôle du corps reste étroitement lié à l’anorexie, il s’en détache néanmoins dans sa forme d’expression. Le Thigh Gap serai la conséquence médiatique plutôt que la cause médicale du problème. Aujourd’hui, la diffusion de l’information et sa consommation se sont radicalement développé à travers internet, permettant la propagation rapide de buzz ponctuels, tels que le Thigh Gap. Mais les courants de mode ont toujours existé. Les comportements mimétiques seraient inévitables en vue de la constante observation et comparaison des hommes entre eux. Chacun se construit d’après des modèles de valeurs physiques et mentales. Le médecin pointe ainsi la « pathomimie » soit l’imitation d’une population malade, comme ligament entre le Thigh Gap et l’anorexie. Cette pathologie aurai notamment été observée chez des femmes au 19ème siècle, souhaitant ressembler aux bourgeoises atteintes de tuberculose, pour leurs symptômes de beauté. Selon lui, les gens ont toujours suivi les comportements des personnages forts de leur temps. Il évoque précisément que la mode aurai changé à partir de Sissi l’Impératrice, première anorexique reconnue, amenant avec elle la tendance de la minceur. Les critères de ce canon de beauté se sont transmis jusqu’aux personnages iconiques d’aujourd’hui, toujours à la tête des tendances. Ainsi, les stars anorexiques actuelles telles que Cara Delevingne, Lady Gaga ou encore Nicole Richie influencent nombre de jeunes filles en quête de minceur, et de Thigh Gap ! Les adolescentes trouvent en ces personnalités un exemple à suivre au sein d’une période qui leur est difficile et où elles se retrouvent perdues face aux changements de leurs corps. Se rattacher à des modèles les rassures et les aides à se fondre dans la masse sans être confrontées à la réalité de leur évolution. A contrario, notons que l’anorexie n’est jamais une imitation de quelqu’un, insiste le psychiatre. Ce mal-être intérieur est personnel.

L’encouragement social

 Et s’il peut être intime, leur trouble éprouve néanmoins le besoin de s’exprimer. Ce sentiment d’appartenance à une communauté, de nos jours, les anorexiques le retrouvent facilement à travers les réseaux sociaux. Elles peuvent enfin communiquer sans contraintes sur leurs fonctionnements et partager leurs habitudes entres-elles. Fazia Khanifi nous rappelle que les anorexiques, souvent en manque d’amour, recherchent cette entraide pour se rassurer.

Le rôle de ces groupes est souvent remis en question lorsque l’on aborde le problème du Thigh Gap. A travers tous ces modes d’emplois de l’anorexie parfaite, les adolescentes adulant ces personnages « malades » ne peuvent que mieux leur ressembler. Prenant exemple jusqu’à s’identifier totalement aux anorexiques, ces jeunes filles vont alors développer les mêmes obsessions et se fondre dans la masse de leurs réseaux sociaux. Encouragées par les « likes », « partages » et « commentaires », elles ne cessent de mettre en comparaison leur évolution par des images témoignant de leur course à la minceur.

Si aujourd’hui le Thigh gap fait autant le buzz alors que tout existait déjà avant, c’est bel et bien du fait que ces réseaux de partages se sont grandement développés ces dernières années. Ils agissent comme des metteurs en scène de cette glorification de l’anorexie, amplifiant le phénomène de mode sans se rendre compte de la puissance de leur impact sur les jeunes filles.

Dans une société où la maigreur est devenue un critère social, les adolescentes sont souvent influencées et conditionnées par des codes de minceurs suggérés par les modèles auxquelles elles se rattachent. L’évolution des nouvelles technologies et notamment des réseaux sociaux n’est qu’un facteur de plus, facilitant les échanges et le déploiement de dérives telles que le Thigh gap. Ce qui à la base ne correspond qu’à un phénomène de mode insignifiant peut ainsi déboucher sur des conséquences bien plus graves. Il est d’ailleurs nécessaire d’apporter une grande vigilance à l’installation des rituels dans de telles situations, met en garde Alain Meunier. Mais comme toutes les modes, elle passera, assure le médecin ; et deviendra tristement une autre.